Tous les frères
obéissaient au
maître, et le maître obéissait
à son chapitre.
Pauvreté,
chasteté, obéissance: leurs trois vœux de moines régissaient aussi leur vie
de chevaliers.
Les plaisirs de
la table,
du jeu ou de 1'amour leur
étaient interdits.
Ils ne
pouvaient embrasser amie, ni mère, ni sœur, ni parente.
Il ne leur était permis de chasser
que le lion.
À la guerre, ils devaient
accepter le combat à un contre trois
et ne pouvaient lever I'épée contre un chrétien qu'après
avoir été attaqués trois fois.
La règle de 1'Ordre organisait dans
tous ses détails la vie rude du Templier.
Le moindre manquement à la
discipline était sévèrement puni.
Pour un cheval maltraité,
une arme négligée, le coupable devait
jeûner au pain
et à 1'eau, manger par
terre, et si des chiens venaient à
vouloir manger avec lui, il ne devait
pas les chasser.
Les fautes les plus graves
— violation
du secret du chapitre, sodomie ou lâcheté — étaient
punies de la perte de 1'habit et de 1'exclusion.
Mais ces moines-soldats
exemplaires devinrent vite par la
force des choses banquiers, diplomates, navigateurs, éleveurs de chevaux,
plaideurs.
À mesure que la
puissance,
le prestige et 1'emprise de 1'Ordre croissaient,
les tentations se faisaient
plus grandes de chercher des accommodements avec
la règle.
Les Templiers
n'étaient après
tout que des hommes. Toujours aussi
ardents au
combat, ils commençaient dans
leur vie de moines à susciter la
critique.
Certains dignitaires
ne restaient pas insensibles au
climat délétère de ce pauvre
royaume de Terre sainte, parmi
les barons jouisseurs et les
grossiers chercheurs d'aventures.
Ils n'étaient plus ni humbles ni pauvres.
L'influence du
Temple et sa richesse levaient jalousies
et médisances. Que ne disait-on pas!
C'est ainsi qu'on cherchait dans
les mystérieuses origines de 1'Ordre 1'explication
de la bienveillance des papes
et des rois a son endroit. Pour
certains, Hugues de Payns et ses
compagnons avaient trouvé dans
le Temple de Salomon le livre des
secrets égyptiens rapporte d'exil
par Moïse; on en voulait pour preuve la
soudaine passion
de 1'hébreu qui avait pris le puissant
abbé de Clairvaux, ses réunions avec
les érudits juifs de 1'ecole rabbinique de Troyes.
Pour d'autres, les premiers Templiers avaient
découvert le Saint Graal, la coupe de la
Cène qui avait
recueilli le sang du Christ au soir de la
Passion, relique si précieuse
qu'on 1'avait
cachée dans
la profonde forêt d'Orient, entre
Aube et Seine — berceau sauvage
de Clairvaux
et du Temple.
D'autres encore cherchaient
des significations secrètes au nombre magique 3, qui semblait
marquer toute la vie du Temple :
-
1'Ordre avait
été fondé par 3 X 3 chevaliers,
-
il était organisé
en 3 X 3 provinces;
-
les Templiers
prononçaient 3 vœux,
-
communiaient 3 fois 1'an,
-
faisaient
1'aumône 3
fois la semaine,
-
célébraient 3 fêtes (Saint-Jean, Pentecôte, Trinité), etc.
Mais si secret il y avait, seul le maître en était
dépositaire.
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